Demy se promenait sur le banc de sable, assez loin de la mer. Il marchait depuis quelque temps déjà, quand, tout d'un coup, il se mit à gratter le sable. Pourquoi ? Qui sait ce qui peut se passer dans la tête d'un loup comme Demy ?
Une fois qu'il eut bien gratter le sol, il s'allongea sur la zone dont il avait enlever le sable, puis il se mit à regarder au loin d'un air triste, qui contrastait réellement avec son humeur habituelle.
Le soleil tapait fort en cet après-midi, mais cela n'avait pas l'air de réellement déranger le loup à crinière. Il était complètement perdu dans ses pensées. Une larme commença à couler le long de sa joue. Quelques soient ses pensées, elles ne devaient pas être les plus joyeuses du monde. Il essuya rapidement la larme qui avait coulée, mais elle fut bien vite remplacée par une autre, puis encore une autre.
Le loup à crinière se mit à sangloter, mais bientôt, il serra les mâchoires et arrêta de pleurer. Il secoua la têtecomme s'il avait pris la résolution de ne plus pleurer. Les larmes coulaient toujours sur ses joues, mais il les essuya rageusement jusqu'à ce qu'il ne les sentes plus couler.
Alors, le loup à crinière se releva, s'ébroua, et continua sa route, vers les terres de sa meute. Mais un bruit le fit soudain se retourner...

Le soleil frappait le sable devant moi, le rendant chaud et agréable, brillant et coloré. Au loin, la mer rayonnait, reflétant le ciel, bleue, brillante. Indomptable aussi. Les vagues qui la traversait était d'une taille assez imposante pour que je n'ose pas m'en approcher. J'étais une nageuse ni bonne ni mauvaise, mais dans la mer, je pensais que je n'aurais pas l'avantage. Je tournai ma truffe vers le soleil éclatant d'aujourd'hui. Nous n'étions qu'au printemps, et pourtant il faisait un temps réellement magnifique. De plus, il me semblait qu'aujourd'hui, je maîtrisais parfaitement ma folie. Un temps rare de repos.

Ma bonne humeur était à son comble aujourd'hui, chose plutôt agréable, il faut bien l'admettre. Alors, profitant de cette joie venant de nul part, je me mis à courir sur le sable. Celui ci, bien que ralentissant ma progression, provoquait des éclats de grain tout autour de moi, au rythme de ma course, tels des paillettes. Soudain, je trébuchai et tombait dans le sable fin. Je me roulai alors et me relevai pleine de sable. Je ris puis me secouai, envoyant de ces paillettes de sables tout autour de moi. Je continuai de marcher, du sable encore coller dans mon pelage.

Puis, je l'aperçu. C'était un renard. Non ! Un loup... Un loup qui ressemblait étrangement à un renard. C'était louche. Ma personnalité repris le dessus. Froide et méfiante devenais les maître mots à présent. Je m'approchai légèrement. Je m'aperçu qu'il pleurait. J'étais assez discrète pour qu'il ne m'ai pas encore aperçue. Et puis, j'arrivais derrière lui. En cas d'attaque, j'avais l'avantage. Mais devais-je lui faire confiance ? Je m'y refusai. Alors, j'utilisai ce don bien particulier que j'avais. Je disparu presque complètement. Invisible et, de ce fait, plutôt intouchable. Peut-être même m'adonnerais-je à ce passe temps que j'aimais beaucoup, la création de la folie.

Ayant baissé ma concentration, je m'entendis moi-même provoquer un bruit qui fit se retourner le renard-loup que je regardais. Je m’immobilisai. Ainsi, il ne me verrai pas. Je souris. Je pouvais à ma guise observer le loup roux devant moi, mais lui, il ne pouvait m'apercevoir. Devais-je profiter de la situation ? C'était tentant, très tentant.

- Aurais-tu entendu un bruit ?

Pour lui à présent, la voix sortait de nul part. J'allais m'amuser...

La voix fit sursauter Demy. il regarda tout autour de lui, la peur se lisant sur son visage aux traits autrefois enfantins.

"Maman ?" osa-t-il demander.

Puis il secoua la tête, et murmura pour lui-même:

"Non, ce n'est pas possible. je suis seul, absolument seul. Mère est..." il trébucha sur le mot " ...morte, et morte à des kilomètres d'ici."

Une fois de plus, le loup à crinière regarda autour de lui, puis essaya de sentir l'air, mais rien ne venait à ses narines, et pas non plus à ses grandes oreilles.
Demy secoua la tête, apeuré. Ses courts poils se hérissèrent, et ses oreilles étaient tirées en arrière. Il semblait vraiment mort de trouille. Mais bientôt, le loup à crinière se ressaisit. On put voire de la détermination sur sa face presque enfantine. Il s'assit alors et se mit à réfléchir. A réfléchir profondément. Profondément et très longtemps, au point qu'il n'aurait pas entendu un loup se déplacer à côté de lui . Puis un sourire commença à apparaître sur son long museau, un sourire de fou.
Alors, il bondit sur ses pattes, et se mit à faire des cerces en galopant, comme s'il courrait à la suite de sa queue.

"Demy est fou ! Demy commence à entendre des voix ! Demy est fou !"

chanta-t-il, ou plutôt hurla-t-il à plein poumons. Au bout de dix minutes, il s'arrêta de courir en rond, la tête lui tournant. et la langue pendante. Il fit plusieurs pas vacillants, avant de s'effondrer à quelques centimètres de la louve invisible. Le loup à crinière demanda alors à voix haute:

"Demy, il est fou ou il est pas fou ? A mon avis, il est complétement fou, 'y a pas l'ombre d'un loup. Un loup fou, à demi-loup, ou un fou loup, à demi-fou ?"

Puis il éclata de rire, un rire très gênant, un rire grinçant et dans lequel on sentait vraiment la folie de ce pauvre loup à l'esprit dérangé.

Si le loup à crinière fut surpris de voir Skana surgir de nulle part, à quelques centimètres de lui, il ne le montra pas. Demy ne se releva pas, il resta sur le dos, à regarder la louve grise venue du néant, comme si sa situation était parfaitement normale.

- Excuse-moi. Je... C'est moi qui est parlé. Si tu ne m'a pas vu, et bien, c'est parce que le don qui m'a été donné est celui de disparaître...

Il hocha la tête, comme s'il comprenait, mais répondit:

"Demy, son pouvoir, c'est celui d'être fou !"

Son sourire s'élargit encore plus.

"Et Demy a bien fait d'être fou. Si Demy n'était pas fou, elle n'aurait pas apparue, la jolie louve grise, n'est-ce pas ? Et la louve aurait pu croire que Demy n'était pas fou, ce qui faux, c'est un faux-fou !"

Il éclata à nouveau de son étrange rire, qui fut bientôt interrompu par les paroles de Skana.

- Moi aussi, tu sais, je connais la folie par moment... Je peux t'aider..."

Demy se releva si brusquement que du sable jaillit et éclaboussa le pelage de Skana, mais le loup à crinière n'en avait cure. Le faux sourire qui avait orné son museau avait disparu, ses yeux étaient exceptionnellement durs, son visage froid, voire glacial.

" Tu penses connaître la folie ? Tu crois pouvoir m'aider ? Et si je n'avais pas besoin de ton aide ? Et si j'avais envie de rester fou ? "

La petite lueur de folie apparut à nouveau dans l’œil de Demy, et sa voix se fit un peu plus aiguë et moins froide.

"Tu ne sais même pas par quoi Demy est passé pour avoir le droit à la douceur de sa folie. Non, tu ne sais même pas...
Et toi, où caches-tu ta folie ?"

Le loup à grandes pattes souleva une des pattes de la louve, puis regarda sous son menton, comme si quelque chose pouvait y être caché.
Une fois son examen fait et constatant qu'il ne trouvait pas la folie de Skana, il prit une mine déçue.
Mais de nouveau, un sourire radieux éclaira son visage, et il remua la queue, sous l'effet d'une joie compréhensible que par lui-même.
Le loup à crinière recula de quelques pas, et se mit face à la louve, avant de se racler la gorge et de s'exclamer d'une voix forte:

"Au fait, on s'est même pas présenté ! Votre serviteur se nomme Demygramd de Sangfeu, pour vous servir !"

Il s'inclina en une ridicule révérence qui manqua de le faire tomber dans le sable chaud, qui en devenait presque brûlant d'ailleurs. Le loup sauta d'une patte sur l'autre, pour soulager ses coussinets, puis il creusa dans le sable une nouvelle fois et poussa un soupir de soulagement en posant ses pattes sur la surface de sable dégagée et restée froide.
Une fois sa tâche faite et ses coussinets refroidis, il sembla prendre de nouveau conscience de la présence de Skana, et se remit à lui sourire bêtement.

Demy hocha la tête à la mention de son nom. Il était de nouveau un peu plus sérieux. Il pencha la tête sur le côté à l'évocation de la folie de Skana. Il semblait réellement interloqué. Il plissa les yeux, puis hocha de nouveau la tête, en lui disant:

"C'est sans doute parce que ta folie n'est pas volontaire... En tant que fou, ce qui est bien, c'est que personne ne croie à ce que tu dis, même la vérité la plus sage. Si Demy te dit qu'il a réussi à tuer l'intégralité de son ancienne meute en une nuit, le croira-tu ? Non, car Demy est fou, complètement fou ! "

Il éclata de nouveau de rire, d'un rire grinçant qui sonnait faux. Le loup sembla regretter ses paroles, un air contrit passa sur son museau, puis il secoua la tête, et son air enjoué vint de nouveau.

"Est-ce que Demy peut te dire un secret, à toi Skana, la folle qui n'est pourtant pas folle ? "

Sans attendre de réponse, le loup à crinière s'approcha de si près de la louve que son pelage, pourtant court, frôlait celui de Skana. Il lui murmura alors dans l'oreille, son souffle chaud lui caressant les poils:

"Demy est un Demy-fou."

Puis il se recula aussitôt de plusieurs pas et s'assit à nouveau en la regardant d'un air entendu, comme s'il lui avait confié le plus grand des secrets. Mais quelques secondes plus tard, il se leva de nouveau, comme s'il ne tenait plus en place.

"Et Skana ? "demanda-t-il d'une voix aiguë, impatiente. "Skana as bien un secret à confier à Demy ? Demy jures qu'il n'en dirais rien, même à son Alpha. Et Demy a toujours tenu ses promesses." déclara-t-il en hochant la tête, pour lui-même.
"Oui, Demy il tient toujours ses promesses." rajouta-t-il.

Le loup à crinière fit un petit bond sur place, surexcité, et il atterrit, les quatre pattes écartées, comme un louveteau sur le point de jouer. Ses oreilles étaient tendues vers Skana, ses grands yeux noirs ne la quittait pas, et sa queue se balançait de gauche à droite, comme un chien voulant jouer.

Skana se mit à réfléchir, et Demy s'assit en face d'elle, dans le sable, sa queue laissant des sillons au fur et à mesure qu'elle bougeait de droite à gauche. La chaleur semblait le gêner un peu - le soleil tapait dur - mais il se contenta d'ouvrir la gueule, la langue pendante, pour se rafraîchir.
Dans sa hâte, Demy semblait patient pour une fois. Il ne bougeait pas d'un poil, attendant. Attendant.
Enfin, la louve repris la parole. Au premier son de sa voix, les oreilles du loup à crinière se dirigèrent vers Skana.

- J'ai du mal à réfléchir, Demy... Aucun secret ne me viens...

Les oreilles de Demy se baissèrent imperceptiblement, et le loup roux eut du mal à cacher sa déception.

-Ah..." fit-il d'une petite voix triste.

- Hormis le fait que je vais bientôt sombrer dans la folie..."

Demy pencha la tête, scrutant le museau de Skana.

"Ta folie est donc un secret ? Pour Demy, c'est son absence de folie qui est un secret."

Le loup à crinière se leva à nouveau, puis se dirigea à pas lents vers Skana. A moins d'un mètre d'elle, il s'arrêta. Hésitant, il fit un petit geste de la patte vers elle, le doute s'inscrivant sur son museau. Il recula la patte, étudiant Skana du museau au bout de la queue, puis il s'enhardit de nouveau. Il avança encore d'un pas, et termina le geste qu'il avait esquissé.
Le loup à crinière mit une de ses longues pattes à droite du cou de Skana, et posa sa tête de l'autre côté, pour lui faire un câlin improvisé. Puis, tout en la serrant fort entre ses pattes, il lui murmura à l'oreille.

"Tu sais, Demy t'aimes beaucoup. Vraiment beaucoup. Parce que tu as été une des seules à écouter Demy, et il t'en remercie."

Demy répondit au sourire de Skana par un autre sourire. Mais un véritable sourire cette fois-ci, par un de ses sourires idiots ou forcés. C'était un sourire qui semblait venir de l'intérieur, qui éclairait son museau enfantin. Mais celui-ci devint presque ironique lorsqu'elle avoua qu'elle l'aimait pour sa folie.

- En parlant de folie... Je sens que je vais bientôt sombrer... Je déteste ça..."

Le loup à crinière recula de quelques pas puis s'assit à nouveau, après s'être encore une fois débarrassé de la couche de sable brûlante. Il semblait attendre, l'air à nouveau sérieux.



- Parce que être folle... Ce n'est pas un comportement de bêta !
-Demy non plus n'aimes pas être fou, mais il y est obligé. Il est obligé de passer par là, c'est son choix, sa nouvelle vie.

La louve secoua violemment la tête, comme si elle luttait intérieurement contre quelque chose. Demy pencha encore une fois la tête sur le côté, semblant intéressé.

-Tais-toi ! Tais-toi !"
Le cri de colère de la louve fit sursauter Demy et le fit reculer de quelques pas. Mais il se ressaisi, et s'avança à nouveau, attendant la suite des évènements.

"Si cela veux sortir, laisse-le sortir. On a tous besoin d'être soi-même, de temps en temps. Même moi, j'ai besoin de ne plus être fou, pour garder ma santé mentale intacte."

Il eut un petit temps d'arrêt, semblant réfléchir, puis dit:
"SI ta folie est bien celle à laquelle je pense, il se peut que tu deviennes brutale. N'aies crainte, je pourrais le supporter. Je resterai près de toi, quoi qu'il arrive. Du moment que tu n'ailles pas jusqu'à me tuer, je devrais survivre."

Il se leva, puis vint s'asseoir juste à côté de Skana, lui faisant un sourire rassurant et sain d'esprit.

La louve poussa un hurlement qui fit dresser tous les poils de Demy sur son échine. Les oreilles couchées, il observait Skana, mais ne bougea pas. Il devait s'attendre à ce qu'elle lui saute dessus, ses mâchoires étaient serrées pour ne pas crier de douleur quand l'instant viendrait, ses pattes profondément ancrées au sol, pour ne pas reculer.
Mais Skana ne lui bondit pas dessus.
Elle regardait autour d'elle terrifiée. Qu'est-ce qui pouvait la terrifier à ce point ?
On pouvait voir la question sur le museau de Demy. La pauvre louve restait figée sur place, ses yeux rivés sur un point en face de Demy et d'elle-même. Demy regarda le point, mais il n'y vit strictement rien apparemment. Ou bien il ne réagit pas à ce qu'il voyait. Le loup à crinière ne bougeait toujours pas, attendant. C'était réellement étonnant de voir tant de patience chez un loup qui l'instant d'auparavant ne faisait que bondir et se trémousser d'impatience.
Puis vint le second hurlement, un hurlement déchirant, qui contenait toute la terreur du monde. Cette fois-ci, Demy sursauta, se redressant sur ses pattes. Skana se mit alors à courir en direction de la mer, comme poursuivie par quelque chose d’innommable.
les vagues s'abattaient en rugissant, promettant la noyade à quiconque s'en approchait de trop près. Un loup n'avait pas la force de résister à un tel déchainement d'eau.
Demy semblait complètement terrorisé par cette masse d'eau remuant toute seule, mais il n'hésita pas.
Les pattes du loup à crinière bougèrent avant son cerveau.
"NOOOOON !!!" hurla-t-il en courant à sa poursuite. A une dizaine de mètre de la mort liquide, il lui sauta dessus, la plaquant au sol.
"Regarde ta folie en face, affronte-là ! C'est le seul moyen de l'asservir à ta volonté, et de t'en servir comme tu le veux ! Je le sais, je l'ais déjà fait ! C'est comme cela que j'ai réussi à ne pas devenir véritablement fou !"
Sa voix était plus grave que d'habitude, une voix de loup comme tous les autres loups. Fait étrange, il ne parlait plus à la troisième personne comme il le faisait auparavant. A cet instant, il avait l'air d'un loup terriblement normal.
Son corps collé à celui de Skana, il la retenait au sol, l'empêchait de partir avec une force dont on n'aurait jamais pu supposer l'existence chez un loup oméga, frêle et chétif comme lui.

La pauvre louve grise se débattait, mais Demy tint bon, restant au-dessus d'elle, à la bloquer aux sol. Il semblait craindre qu'elle ne repartes vers les vagues, dont il sentait l'écume sur ses poils. il eut un frisson - de peur ou de dégoût ? -.

- Tu mens !

Demy secoua la tête, et lui répondit "non" d'un air sûr de lui.

- Tu me retiens, tu m'empêche de fuir, dans le seul but qu'ils me rattrapent ! Pourquoi tu fais ça ? T'avais dit que tu m'aimais bien ! T'avais dit que t'étais fou toi aussi, alors pourquoi t'es super calme d'un coup ? Pourquoi tu me mens ? Tu comprends pas que s'ils me rattrapent...

Demy ne broncha toujours pas, le viage impassible. Il se contenta de répondre à ses arguments et de les démonter, un par un.

"En effet, je veux que ta folie te rattrape, pour que tu l'affrontes en face. Je fais ça pour ton bien, pour que tu affronte tes peurs. J'ai dit que je t'aimais beaucoup, et je le réaffirme : " Je t'aimes." Je ne t'ai pas dit exactement que j'étais fou, je t'ai fais croire que j'étais fou, comme je le ferais croire à n'importe quel loup. Voilà pourquoi je suis calme : je suis dans mon état naturel. Et si t'ai menti, c'était pour me protéger. Mais à partir de maintenant, je ne te mentirais plus... à part devant les autres loups. Et e sais ce qui se passera s'ils te rattrapent : tu devra affronter ta folie, et la vaincre."

La louve se mit à pleurer, et Demy se mit à lécher ses larmes, murmurant: "Ne t'inquiète pas... Tu es forte, tu peux y arriver... Ce n'est pas pour rien que tu es bêta de ta meute."

- Aide-moi...

Les larmes envahirent à leur tour les yeux de Demy, mais il ne renifla pas, les laissant couler sur le pelage déjà trempé de Skana.

"Je suis en train de t'aider." répondit-il en souriant, avant de la relâcher d'un coup.
Mais il se plaça entre les vagues et elle, prêt à la plaquer à nouveau si elle allait dans la mauvaise direction.

-Dégagez !
-Oui, c'est ça !

Demy regardait la scène, le visage plein d'espoir. il ne pouvait pas voir les visions de Skana, mais il semblait parfaitement les imaginer.

-Maintenant !"

Demy approuva de la tête, attendant l'instant où elle serait délivrée... Mais cet instant n'eut pas eu lieu. Skana se mit à courir n'importe où, sautant pour éviter quelque chose d'invisible, courant parfois vers les vagues mortelles, mais au moment où il allait lui sauter dessus pour l'empêcher de les rejoindre, elle tourna abruptement, envoyant voler du sable dans sa direction, qu'il évita en fermant les yeux, et en se reculant d'un pas.
Les yeux du loup à crinière voyageaient entre la louve et... le néant, là était sans doute les choses qui faisaient si peur à Skana. Il réfléchissait, les yeux mi-clos, les paupières entrouvertes, et les oreilles en arrière.
Les poils de son échine se hérissèrent soudain, tandis que des larmes venaient à ses yeux, comme s'il se rappelait d'un moment fort douloureux de son existence.

"Fais-la... fais-la entrer en toi ! C'est toi leur maîtresse, c'est à toi qu'elles obéissent ! " hurla-t-il finalement.

Les yeux de Demy étaient débordants de larmes.

"Ta folie n'est en fait que des souvenirs, des souvenirs amalgamés qui te pourrissent la vie ! Accepte tes souvenirs, comme j'ai dû accepter d'avoir tué ma meute !"

Demy s'effondra en sanglots,murmurant des noms aux résonances étrangères. Il ne surveillait plus plus Skana, il semblait enfermé dans ses propres souffrances et ne plus voire ce qui l'entourait.

Demy se mit à sourire au milieu de ses larmes. Il n'avait pas sursauté à l'arrivée de Skana, mais cela se voyait qu'il avait tout de même été surpris de la voir là, si proche de lui.

- Tu veux parler ? Je te promet que je redeviendrais pas folle et que je saurais t'écouter et t'aider comme tu viens de le faire pour moi. Je te promet que je garderais tout ce que tu me diras pour moi. Je te promet que je ne te jugerais pas.

Il se tourna vers elle, augmentant son sourire.

" Rien que je fait de m'écouter m'aide beaucoup. J'ai gardé mes secrets si profondément enfouis en moi ! Parfois, certains jours, je n'en pouvais vraiment plus de ce personnage que j'ai créé, ce personnage complètement fou que je m'oblige à être, jour et nuit. Mais je l'ai voulu, je l'ai choisi. C'est mon destin. Par où commencer ?"

Demy soupira, essayant de mettre en ordre ses idées. il s'essuya les yeux, puis commença à se confier.

" J'espère que tu as compris à présent que je ne suis pas fou. Je ne suis qu'un loup à peu près sain d'esprit qui se fait passer pour un fou - chose que j'arrive décidément très bien à faire - " ajouta-t-il avec un sourire ironique. " Qui penserait que le pauvre Demy l'oméga qui raconte en permanence n'importe quoi et parle à la troisième personne est en fait un loup parfaitement normal ?"

Demy éclata de rire, se libérant de tout ce qu'il avait accumulé jusqu'alors.

" Je suis né il y a plus de deux ans à présent, le cœur dévoré d'ambition, dans une meute de loup à crinière. Dès mon plus jeune âge, je ne pensait qu'à une chose : devenir Alpha de ma meute. En grandissant, je gagnais en charisme et emmenais avec moi une dizaine d'autres jeunes, qui étaient tous à ma solde. Mon groupe augmenta encore, pendant que je les assurais que je saurais leur procurer un avenir meilleur encore. Bientôt, notre meute se divisa en deux groupe : le mien, et celui de notre Alpha. Quand je me sentis près, j'ordonnais à mon groupe d'attaquer, pour que je puisse prendre le pouvoir. C'est alors que je compris l'horreur de ce que j'avais fait. Tuer n'était pour moi qu'un mot. je n'ai jamais eu conscience de ce que cela signifiait réellement. Pourrais-je décrire mon horreur quand je vis les loups de ma meute s'entretuer, tout cela à cause de moi ? Blessé, hagard et traumatisé, je m'enfuis, abandonnant tous ceux qui m'avaient été chers. Mon père, ma mère, ma petite sœur, ma bande d'amis. je les ais abandonnais tous. Ce fut là que la folie arriva. Je devins réellement fou. Mais à force de me combattre moi-même, je vainquit ma folie. J'étais arrivée au bout de mon voyage, quand je fus de nouveau sain d'esprit. Enfin, aussi sain d'esprit qu'un loup qui a le poids et le sang de sa meute sur la conscience. Quand j'arrivais auprès de celle qui allait devenir mon alpha, ma décision était prise. Pour ne pas commettre les erreurs que j'ai fait jadis, pour ne pas être dévoré d'ambition comme je l'avais été - et que je suis, malgré moi, toujours - je prendrais la place d'oméga, en devenant fou. Ainsi, étant le plus bas loup de ma meute, je n'aurais pas l'illusion de pouvoir devenir quelqu'un. Mais en tant qu'oméga, personne ne s'intéresse à moi, personne ne me surveille. Je peux donc faire ce que je veux, influencer qui je veux, écouter qu je veux et transmettre ces informations codées à la bonne personne. Voilà la raison du pourquoi je suis fou." termina-t-il, un sourire cynique sur les babines.

Spoiler:

Durant mon récit, je n'osais la regarder dans les yeux. Qu'allait-elle penser du monstre que j'étais ? Allait-elle me rejeter, comme je m'y attendais ? Me repousser, criant que j'étais un assassin ?
Au fond de moi, je l'espérais presque, cela serais un autre moyen de me faire mal, une autre punition parfaitement en juste envers le parjure que j'étais.
Mais au lieu de quoi, j'entendis un son qui me surpris totalement, un son auxquels je ne m'attendais pas. Le son d'une louve pleurant. Je relevais la tête, la contemplant de mes yeux noirs, si communs.

- Excuse moi... Je devrais te réconforter plutôt que de me mettre à pleurer...

La honte et le remords m'envahirent. Je venais de lui mettre sur les épaules un poids qui avait failli me rendre fou, et qui faisait que je devais passer pour un fou aux yeux de tous, alors qu'elle en bavait déjà avec sa propre folie ! Quel idiot égoïste avais-je été !
Elle essaya de me sourire, mais son sourire se perdit au milieu de ses larmes, qui me fendaient le cœur.
Je m'approchais d'elle, tout doucement, comme si j'avais peur de l'effaroucher. Je n'avais pas peur d'elle, mais de moi. J'avais peur d'en faire ou d'en dire de trop. Cela faisait tellement longtemps que je ne m'étais pas senti pleinement moi-même ! Je ne savais même plus comment me comporter en loup normal, je m’étais habitué à faire des choses hors normes, des choses qu'un loup normal ne penserait même pas à faire.
Je plongeais mes yeux noirs dans les siens, puis commençais à lécher ses larmes. Je ne parlais pas, ou plutôt je m'exprimais avec les yeux : je lui confiais tout mon amour pour elle, tout le plaisir que me procurait sa simple présence à les côtés. De nature, je n'avais jamais été un loup bavard.

- Alors... Tu pourrais accepter de ne pas être fou avec moi ? Nous pourrions parler... Entre fou incomplet. J'aimerais t'aider... Mais je ne trouve pas les mots... J'aimerais juste te dire que je te respecte beaucoup pour avoir renoncer à ta soif de puissance, a ton rêve... Par sagesse. Et pour continuer à affronter la vie avec autant de courage.

Ses paroles me firent sourire. Pas parce qu'elle avait dit quelque chose de particulièrement drôle, mais par ce qu'elle me demandait ce que je voulais justement lui demander. Pouvoir être à nouveau un loup normal, avec des sentiments normaux en face de quelqu'un était un délice, une panacée à nulle autre pareille ! Je n'en méritais pas tant, mais ce plaisir m'était pourtant accordé, pour je ne sais quelle raison. Je réfléchis un peu avant de lui répondre. Mon cœur battait la chamade entre mes côtes, et je devais me retenir pour ne pas dire ce qui pourrais la séparer de moi à jamais. Mais cela n'empêcha pas mes paroles d'êtres vraies, et tirées du fond de mon coeur.

- La seule façon dont tu puisses m'aider est de faire ce que tu fais déjà : me considérer comme un loup comme les autres, malgré ma folie. Et je t'avouerais que pour ma part, je fais plus que de te respecter : je t'admire pour ta force d'esprit et ta clairvoyance.
Et avec toi, et seulement avec toi, je me montrerais tel que je suis. Mais je dois te prévenir qu'il faudra que tu t'attendes à ce que, parfois, je me montre à nouveau fou sans crier gare : il faut que personne à part toi ne saches la vérité.

Brusquement, lui vinrent de façon détournée les mots qu'il s'était promis de ne pas dire dans le but de ne pas gâcher leur belle amitié toute neuve.

-Je dois aussi t'avouer quelque chose d'autre. Demy t'as dit qu'il t'aimais beaucoup. pour Demygramd, cela correspond à ces paroles : "Je t'aime" termina-t-il.

La surprise atteignit Skana de plein fouet. M'aimais-t-elle, elle aussi ? J'en doutais fortement. Mais je devais le lui révéler, je ne pouvais pas le garder au fond de mon coeur. J'arrivais très bien à cacher mes émotions, habituellement, mais celle-ci, je ne le pouvais pas.

- Demygramd, je... Je... Je suis désolée mais... Je... J'aime déjà quelqu'un.

Demy ferma les yeux, douloureusement. Il prit le temps de comprendre tous les enjeux de cette réponse, tous les aboutissants. Jamais, jamais il ne pourrait être avec Skana. Toujours, il y aura cet autre à sa place. Cet autre qu'elle aimait, qu'elle préférait à lui-même. Qu'elle aimait peut-être plus que sa propre vie, elle serait sans doute prêt à mourir pour lui. Lui-même, Demy, n'était et ne serais qu'un ami. Un ami intime, mais rien qu'un ami. Il s'autorisa à soupirer un moment, puis la regarda à nouveau. Il savait que la peine avait quitté ses yeux. Il se devait de ne pas avoir de peine, pour elle. Il l'aimait, oui, mais elle ne l'aimait pas de cette façon. Il se devrait de l'aimer comme un ami, dorénavant. C'est donc en ami qu'il lui sourit.

"Ce n'est pas grave, ça ne fait rien. Nous serons donc dorénavant amis. "

Il se mit ensuite à lui léchouiller la joue, pour la taquiner. Il avait peur de retomber dans la tristesse, et pour l'éviter, il lui fallait jouer, faire le crétin - ce que heureusement pour sa survie, il faisait si bien ! -

- Ce n'est pas grave, ça ne fait rien. Nous serons donc dorénavant amis.

Étrangement, ces mots renforcèrent mon sentiment de mal être. Demy faisait maintenant le fou, comme s'il était joyeux alors que sa tristesse se lisait au fond de ses yeux. Ou peut-être était-ce moi qui voulait le voir car moi-même je ne supportait pas ma réponse. J'étais une bêta, là pour protéger ma meute, aider les autre loups, et bien que Demy ne fasse pas partit du Crépuscule, je voulais le protéger. Relevant mon regard trouble vers le renard-loup, je lançait d'une voix plus froide que je l'aurais voulu :

- Tu n'es pas obligé de faire semblant d'être heureux.

Je regrettait presque aussitôt mes paroles et le ton que j'avais employé. Je tentais d'empêcher les larmes de couler et ma voix de trembler et j'en devenais... Désagréable. Désagréable alors que je devais lui remonter le morale. Ce fut à ce moment précis que j'éclatais, criant soudainement :

- Je suis nulle, bonne à rien ! T'as déjà vu une bêta aussi nulle ? Je dois aider les autres et je les fait souffrir ! Et tu as vu ? Tu as vu comme je suis dangereuse ? Une folie et je ne me contrôle plus ! Capable de tuer ! Pleurer, pleurer, ah ! Ça je sais faire ! Toujours se plaindre et tout mettre sur le dos de mère nature ! Nulle ! Nulle je te dis !

J'éclatai en sanglot. Je n'en pouvait plus. Avant que Demy ne puisse ouvrir la bouche, alors que je ne savais même pas s'il voulait parler, je repris, plus déchaînée encore :

- Ne parle pas ! Pas maintenant ! Je dois finir ! Tu penses que je suis bonne à quelque chose et que je me fait des idées ? Et bien non ! Rien ! Rien je te dis ! Regarde moi ! Je ne suis même pas bonne à trouver un bêta mâle à ma meute ! Et tu sais pourquoi ? Parce que celui que j'aime...

Ma voix se brisa. Je tremblais. Murmurant mes derniers mots, je sentait la honte m'envahir :

-... N'est pas de ma meute.

Comment ? Comment osai-je me plaindre devant celui que je devais protéger ? Comment osai-je pleurer sur mon propre sort devant celui que j'avais repoussé ? Comment osai-je parler de mes amours devant celui qui m'aimait ? Je n'avais pas confiance en moi en ce moment, depuis mon amour pour Algar. Je respirai.

- Tu n'est pas obligé de me pardonner.

Je lui tournait le dos et m'éloignait. Je m’effondrai sur le sable, pleurant comme si ma vie en dépendait. Quelle idiote ! Comment avais-je pu pleurer devant lui sur mon sort alors que son histoire était bien plus horrible que la mienne ? Comment... ?